Des aveugles au XIXe siècle… visite de la bibliothèque Valentin Haüy
Céline Roussel prépare une thèse sur « Cécité, discours et représentations de soi dans les récits autobiographiques d’aveugles du XIXe au XXIe siècle » (sous la direction de Véronique Gély), et travaille comme bénévole à l’association Valentin Haüy, où elle fait des permanences pour la bibliothèque patrimoniale. Elle m’avait contactée à propos du projet ArchAT, et nous avons enfin pu convenir d’un rendez-vous ce mercredi 4 juillet.
L’association Valentin Haüy, du nom du fondateur (1745-1822) de la première école pour aveugles à Paris, a été créée par Maurice de Sizeranne (1857-1924), lui-même aveugle, en 1889.
Buste de Maurice de Sizeranne conservé dans la bibliothèque patrimoniale.
La bibliothèque recèle de nombreux imprimés, parfois très rares, des manuscrits également, venus du monde entier. Un fonds passionnant, malheureusement pas entièrement catalogué, faute de personnel, et qui reste accessible notamment grâce au bénévolat de Céline.
Il y a aussi un magnifique musée qui comporte des objets destinés aux aveugles : machines à écrire, mappemondes, alphabets (ainsi que des vitrines sur l’historique de l’association).
Mais cette rencontre ne s’est pas limitée à la visite de ces lieux, aussi passionnante soit-elle. Elle m’a surtout permis de découvrir tout un champ de recherches qui recoupe le mien et dont je n’avais pas particulièrement conscience lorsque j’ai entrepris le projet ArchAT, même si la Fédération des Aveugles du Val-de-Loire est un des partenaires du programme – et qui doit surtout intervenir dans la phase de diffusion et d’accessibilité des travaux réalisés.
Augustin Thierry est un historien aveugle à trente ans, mais, il faut bien l’avouer, c’est pour ses travaux historiques que je me suis intéressée à lui. Quant à sa cécité, elle avait à mes yeux surtout été la cause de son parcours biographique qui le conduit à être pensionné de l’État, ainsi que du caractère très particulier de ses archives, ses « manuscrits » étant principalement allographes.
Aujourd’hui, Céline Roussel m’a initiée au champ des disability studies, à ces recherches universitaires qui regroupent historiens, philosophes, littéraires travaillant (entre autres) sur les intellectuels et les artistes en situation de handicap. Au cours de la discussion, de nombreuses convergences et interrogations sont apparues (manières de travailler, question de la propriété intellectuelle, etc.).
Je repars ainsi avec des lectures pour l’été : Vivre sans voir, de Zina Weygand (qui comporte tout un chapitre sur les aveugles dans le premier XIXe siècle), et Une jeune aveugle dans la France du XIXe siècle, texte édité par Zina Weygand et Catherine Kudlick d’après un manuscrit des Quinze-Vingt d’une dénommée Thérèse-Adèle Husson.
C’est là le caractère passionnant de la recherche universitaire, qui, quoique souvent très pointue, peut toujours susciter des regards croisés imprévus.
Céline Roussel à la bibliothèque patrimoniale