La querelle orthographique

La réforme orthographique des noms propres proposée par Thierry

Thierry s’en prend assez, avec les Lettres sur l’histoire de France (1820/1827), à l’orthographe canonique des anciens rois de France. Il critique notamment Velly :

Velly savait notre langue, et il estropie tous les noms de notre histoire. Passe encore s’il les défigurait d’une manière constamment uniforme; mais il trouve moyen de faire sortir plusieurs noms différents d’un seul nom différemment contourné. Il nous compte des Clovis et des Louis, des Clotaire et des Lothaire, des Cherebert et des Ariberrt, des Clodoald et des Crodoald, des Cunibert et des Hubert, des Ragnacaire et des Ragnaire, fautes pour lesquelles le thème d’un écolier devrait être mis au rebut.

Lettres sur l’histoire de France, Sautelet, 1827, p. 26.

Et de critiquer aussi l’emploi des noms de Clodion, de Mérovée : « Il serait temps de rendre aux personnages de notre histoire leurs véritables noms, et de ne plus reproduire ces noms doublement mutilés par la langue des Latins et par celle des vieilles chroniques françaises » (ibid., p. 44). Thierry prône en effet le retour aux anciennes formes des noms, pour en faire apparaître l’étymologie :

Il faudrait écrire Hlode-her, Thiode-rik, Hlode-mer et Hilde-berht. Ces noms signifient célèbre et excellent, extrêmement brave, célèbre et éminent, guerrier brillant. En général, tous les noms francs, et même ceux des autres peuples germaniques du temps de la grande invasion sont formés de la réunion de deux adjectifs de qualité.

Ibid., note p. 45-46.

Ce projet est suivi de plus près dans la version de 1829, où Thierry revendique la « rectification des noms francs d’après l’orthographe teutonique ». Le premier mouvement de ce texte peut sonner comme un recul, mais c’est pour mieux asseoir de nouvelles règles de transcription :

Lorsqu’il y a dix ans je me livrai pour la première fois, au travail de collationner la version moderne de notre histoire avec les monuments et les récits originaux, la pensée de rendre à la Germaine ce qui lui appartenait s’empara de moi sur le champ, et je me suis mis à suivre ce projet avec zèle et ténacité, feuilletant les glossaires, comparant ensemble les différentes orthographes, tâchant de retrouver le son primitif et la véritable signification des noms francs. J’avoue que mes tentatives à cet égard eurent quelques chose d’outré et se ressentirent de l’ardeur révolutionnaire qui marque les premiers pas de toute réforme, en quelque genre que ce soit. J’eus la prétention de restituer tous les noms originairement tudesques, d’après une règle commune, et de faire concorder ensemble le son et l’orthographe : c’était chose impossible, et après beaucoup d’essais, faits avec intrépidité, je reculai, non devant la crainte de dérouter le public, car toute nouveauté le déroute pour un moment, mais devant celle de falsifier les noms même que je prétendais rétablir. (…)

Je vais énoncer quelques règles d’orthographe auxquelles je me suis conformé dans cette nouvelle édition, et qui, appliquées aux noms d’hommes et de femmes de la période franke, leur rendront, autant qu’il est possible, leur aspect original :

1° La lettre c, à cause de son double son, doit être remplacée par un k. A la fin des mots, quoique cela ne soit plus nécessaire, on la remplacera de même, pour ne point changer l’orthographe et retrouver dans tous les noms les syllabes composantes : RikimerRekeswindRekkaredTheoderikAlarik, etc.

2° Ch, à cause du son qu’on lui donne en français, doit être remplacé par h, lorsqu’il se trouve devant une voyelle : HilderikHildebertHaribert. Quelquefois cependant on devra lui substituer le kh : RikhildRikhardBurkhart ; ou le k simple : KunibertGodeskalkErkinoaldArkenbald. On pourra le conserver, comme signe d’aspiration, devant les consonnes l et r au commencement des mots : ChlodowigChlodomirChlotildeChramm ; à moins qu’on n’ait la hardiesse d’écrire comme les Franks : HlodowigHlodomirHlotildeHramm.

3° Le g devant l’e et l’i doit, pour garder son ancienne consonance, être remplacé par gh SighebertSighiwaldSighismondMaghinhardRughenfredEnghilbertGhiseleAnsberghe.

4° L’u, voyelle ou consonne, suivi d’un i, d’un e ou d’un a, doit être remplacé par le w : ChlodowigMerowigHeriwigDroktowigFolkwinRikwinGalaswinteChlotswinde. L’o devant l’e et l’i doit quelquefois subir la même transformation AudwinTheodwin.

5° On doit conserver la syllabe bald, et ne pas le remplacer par baud TheodebaldGondebaldBaldrikBaldwin, etc.

6° Afin de maintenir l’analogie de composition dans tous les noms terminé par ild, on placera un h devant l’i, quand bien même cette lettre serait omise dans le texte latin : ChlotildeNanthildeBathilde, etc. A la rigueur on pourrait se dispenser de cette règle ; mais, de même qu’on n’écrit plus Mahaut pour Mathilde, on doit strictement renoncer à écrire Brunehaut pour Brunehilde.

7° Enfin l’on doit supprimer la terminaison aire, qui est anti-germanique, et la replacer par her ChlotherLotherRaghenherFredegher.

(…) De bonne foi, quel est le lecteur du dix-neuvième siècle qui se croira dépaysé en lisant, sur la liste des rois de France, Merowig et Chlodowig, et quelle oreille est assez difficile pour trouver que ces deux noms ne sonnent pas bien, même en poésie ?

Lettres sur l’histoire de France, note pour la 2e édition, Sautelet, 1829, p. xiii et sq.

Cette réforme orthographique a pour visée de rendre aux Francs ou plutôt Franks leur germanité, leur barbarité, si l’on ose le barbarisme. Cette réforme orthographique, lorsqu’elle naît sous la plume de Thierry à la fin des années 1810, a de fait une fonction polémique, puisqu’il se place alors sous le patronage de l’abbé Siéyès qui voulait rendre la Gaule au tiers état, descendant des vaincus, et renvoyer tous les aristocrates, qui se veulent héritiers des envahisseurs francs, dans les forêts de Franconie. Par la suite, c’est l’amour philologique de Thierry de relier l’histoire à l’histoire de la langue, qui l’emporte dans son projet, alors même qu’il n’est plus le fougueux libéral de sa jeunesse. Il poursuit avec constance ce projet, faisant quelques émules, dont Claude Fauriel, ou encore Chateaubriand dans ses Études historiques (1831).

L’attaque de Charles Nodier (1841)

Charles Nodier, auteur, bibliothécaire de l’Arsenal et membre de l’Académie française, lance dans la Revue de Paris en décembre 1841 une « Diatribe du docteur Neophobus contre les fabricateurs de mots » qui intervient après la publication des Récits des temps mérovingiens, où Thierry s’est employé à mettre en oeuvre sa réforme orthographique des premiers noms de l’histoire de France.

Nodier s’en prend tout particulièrement à l’émergence de la lettre « k » qui hérisse tous les noms « franks » des temps mérovingiens :

L’Académie des Belles-Lettres n’a participé à cette coalition déplorable que par deux ou trois peccadilles qui ne laisseront peut-être pas de traces. Les orientalistes, qui en font le plus bel ornement, ont imaginé, par exemple, que la lettre K, cette perpendiculaire maussade, armée de deux pointes obliques et divergentes, était une plus belle lettre que le c, si gracieux dans sa jolie forme demi-circulaire, et ils ont hardiment substitué la première de ces consonnes à l’autre dans les mots traduits des langues excentriques dont ils ont le monopole. Pour que ce changement eût le moindre prétexte possible d’utilité, ce qui ne prouverait pas qu’il fût convenable de l’admettre, il faudrait que le K se prononçât en français autrement que le c dur, ou qu’il ressemblât mieux, par sa figure, à la lettre arabe qu’il représente, et cela n’est vrai ni pour la figure ni pour le son. Il en est de même de la consonne Q, qui a gagné des partisans depuis que le K devient vulgaire, car il faut éviter d’être vulgaire avant tout; et cette dispute entre le Q et le K menace de diviser longtemps l’académie la plus sérieuse de la terre, si le c de nos bons aïeux ne reprend ses droits légitimes. Je ne dois pas vous laisser ignorer que le Q est privé, dans cette dernière acception, de son indispensable auxiliaire, la voyelle u, c’est-à-dire pris avec une valeur qui ne lui a jamais été attribuée dans aucune langue, ce qui constitue à l’instant une innovation complexe de la plus haute distinction. Voilà ce que c’est que d’être savant.

Charles Nodier, « Diatribe du docteur Neophobus contre les fabricateurs de mots », Revue de Paris, décembre 1841.

Avant, dans la suite de l’article, de s’attaquer ad hominem à Augustin Thierry et à sa réforme orthographique:

Un historien dont le mérite n’est certainement pas contesté s’est avisé tout à coup, dans une de ces illuminations du génie qui n’éclairent que les grands hommes, de renverser de fond en comble toute l’onomatologie de l’histoire. On n’ignorait pas en France le nom de Clovis et de ses premiers successeurs, mais personne ne se doutait peut-être que ces augustes personnages eussent été désignés autrement dans le jargon théotisque des peuplades sauvages qui nous les donnèrent pour maîtres. On croyait même, en général, que les Francs ou Franks (c’est absolument la même chose ) avaient parlé le latin d’Auguste ou le français de Louis XIV avec une certaine élégance. L’historien académique a daigné nous tirer de cette erreur, et tout le monde sait maintenant, grâce à lui, que le véritable nom de Clovis est Clodoioig, qui ne s’écrivait pas Clodoivig et qui se prononçait autrement. Les Grecs et les Latins, nos modèles en toutes choses, avaient bien eu aussi quelques légères communications avec les Barbares qu’ils soumirent à leur religion et à leurs lois; mais, profondément respectueux pour le goût, pour l’euphonie et pour la syntaxe, ils n’accueillirent l’onomatologie rude et grossière des peuples vaincus que sous la condition de la soumettre aux règles et aux flexions de leur admirable langage. C’est un exemple que l’illustre écrivain aurait pu trouver dans Thoukudidès ou Zoukudidès, comme dans Titous Livious, et les lecteurs qui reconnaissent avec moi ce qu’il y a de pur et d’élevé dans son talent, regretteront sans doute avec moi qu’il ne s’y soit pas conformé. Il a mieux aimé changer l’état civil de l’histoire, déjà passablement confus, et bigarrer son style, d’ailleurs si net et si poli, de ces horribles noms ostrogoths dont le moindre inconvénient est de ne pouvoir être représentés ni par nos signes dans l’écriture, ni par nos articulations familières dans la prononciation. Aucun souvenir n’a été respecté, aucune autorité classique n’a été prise en considération. L’inventeur de cette déplorable méthode ne s’est pas même remis en mémoire que notre dernier souverain légitime, par la grâce du sabre, ne s’appelait pas Bonaparte, mais Bouonaparté, qui est la traduction littérale du grec Kalomero, nom véritable de sa famille. (…) Je reviens cependant au docte historien dont je parlais tout à l’heure, pour lui proposer un dilemme qui mérite quelque attention. Les révolutions du langage sont un fait acquis. Faut-il revenir sur ce fait, ou faut-il le reconnaître? Suivant la solution que M. Thierry voudra bien donner à cette question modeste, nous saurons à quoi nous en tenir. Le roi Thierry continuera de s’appeler Thierry, comme par le passé, ou bien M. Thierry l’historiographe s’appellera Théodoric. Il n’y a pas de milieu.

Ibid.
La réponse de Thierry (1842)

Offusqué par cette attaque qu’il trouve injuste, Thierry travaille longuement à une réponse (c’est l’objet de plusieurs « cahiers de la chambre » conservés aux AD 41), et écrit une « Réponse à la diatribe du docteur Neophobus » de Thierry qu’il fait paraître dans le même organe, en janvier 1842. Après avoir raillé son « aversion de la lettre k« , qui ressemble à « une de ces antipathies nerveuses communes chez les femmes, dont les hommes ne sont pas exempts », il entre dans le vif du sujet :

L’ironie, je suis forcé de le dire, manque ici d’à-propos et de bon goût; je n’ai jamais eu le ridicule des prétentions au génie; personne, monsieur, n’a le droit de me railler avec ce mot. En rétablissant d’une manière conforme aux vieux radicaux germaniques les noms défigurés de quelques personnages de la première et de la seconde race, je n’ai point renversé de fond en comble toute l’onomatologie de l’histoire; car les deux premières races ne sont qu’une période de cinq siècles dans l’histoire de France, qui elle-même n’est qu’une faible portion de l’histoire universelle. Quant aux raisons qui m’ont déterminé à entreprendre cette réforme, elles ne sont point venues de l’envie de me singulariser; elles ont été sérieuses et réfléchies. Je commençai à m’occuper d’histoire dans un temps où deux écrivains régnaient sur la nôtre; Mably pour la théorie, et Anquetil pour le récit. Mably donne le nom de Français aux conquérants de la Gaule, et l’on sait de quels traits faux ou indécis Anquetil marque les figures de ses premiers rois de France. Il se peut, monsieur, qu’alors vous eussiez fait pour vous-même le partage de ce qu’il y a de germanique et de ce qu’il y a de romain dans notre histoire, que vous eussiez nettement aperçu le point où finissent les Francs et où les Français commencent; mais j’atteste les souvenirs de tous ceux qui ont passé l’âge de trente-cinq ans, le public n’en était pas là. Cet aspect vrai sous lequel, j’aime à le croire, vous vous représentiez les choses et les hommes de nos vieux temps ne se trouvait point dans les livres où le gros du public apprend l’histoire nationale; je me suis dévoué à la tâche de le rendre clair pour toutes les intelligences, de faire saillir la vérité historique sur tous les points, dans le fond et la forme, l’esprit et la lettre, la peinture des mœurs et la physionomie des noms. Et, en touchant à cette partie de ce qu’on peut nommer le vêtement de l’histoire, j’ai été discret et modéré; je me suis éloigné le moins possible de la tradition usuelle.

Dans beaucoup de noms qui demeuraient suffisamment germaniques, je n’ai pas changé une seule lettre; j’ai écrit Dagobert, Theodebert, Fredegonde, Radegonde, Theodebald, Berthoald. Dans beaucoup d’autres, j’ai, pour tout changement, intercalé la lettre h, Chlodomir, Chlothilde, Sighebert, Ingoberghe. Dans d’autres, j’ai seulement changé le c en k, ou le v en w, ou le ch en h, afin d’y rétablir le caractère et la prononciation tudesques : Theoderik, Karloman, Markowefe, Audowère, Hildebert, Hilderik, Hilperik, Theodehilde. Quant aux noms que j’ai soumis à des rectifications d’un autre genre, ils restent tous reconnaissables pour quiconque les a lus ailleurs ; tels sont : Chlother, Merowig, Brunehilde, Gonthramn, Berthramn. La plus considérable de mes innovations a été d’écrire Chlodowig au lieu de Clovis. C’est elle que vous dénoncez le plus hautement, et cependant, vous devez l’avouer, elle n’a dérouté personne. Cette orthographe, parfaitement légitime, répond, d’un côté, à la transcription latine donnée par Grégoire de Tours, et de l’autre, à la transcription germanique faite sous la seconde race ; elle a le double avantage de différer peu de la forme qui nous est familière, et de figurer d’une manière exacte la prononciation originale. Vous contestez ce dernier point beaucoup trop légèrement ; faites un effort, monsieur, articulez Chlôdowig en aspirant la première syllabe, ni plus ni moins que pour un mot grec commençant par les mêmes lettres, et je vous assure que le nom sera prononcé par vous de telle sorte que, si votre Clovis pouvait l’entendre, il répondrait.

Ce que j’ai fait pour certains noms propres, je l’ai fait dans le même dessein pour certaines dénominations ethnographiques des premiers temps de notre histoire; j’ai écrit les Franks et non pas les Francs; les Burgondes et non pas les Bourguignons; vous ne parlez point, monsieur, de la dernière de ces nouveautés, et votre silence paraît m’absoudre; mais vous vous raillez de l’autre comme d’une bizarrerie sans objet. Les Francs ou les Franks, dites-vous, c’est absolument la même chose; je l’accorde en général, mais je soutiens que l’histoire de France doit inscrire dans son vocabulaire l’une et l’autre de ces deux formes et affecter chacune d’elles à un usage différent. Frank est le mot tudesque, le nom national des conquérants de la Gaule, articulé suivant leur idiome; Franc est le mot français, le terme qui, dans notre vieille langue, exprimait la qualité d’homme libre, puissant, considérable; d’un côté, il y a une signification ethnographique, de l’autre, une signification sociale correspondant à deux époques bien distinctes de notre histoire; c’est cette diversité de sens que j’ai marquée d’un signe matériel par la différence d’orthographe. Tel a été pour moi le principal motif de l’introduction du mot Frank, et à ce motif s’est joint le désir d’éviter le féminin franque, dont l’emploi à la suite du mot langue, quand il s’agit de nos antiquités nationales, peut causer une étrange confusion. Cela peut-être vous semblera subtil, mais l’on ne saurait mettre assez de scrupule et de soin à prévenir l’équivoque, source de tant de méprises et de si fausses impressions en histoire. Croyez-le, monsieur, en me servant beaucoup de la lettre k, je n’ai point eu pour cette lettre, que vous détestez, un amour de caprice. Je voulais rendre aux noms Franks leur son original ou du moins celui que leur donnait jadis la transcription latine; j’ai dû remplacer par un k, devant l’e et l’i, notre c, qui, devant ces deux lettres, a un son faible que n’avait pas le c latin. Hors des cas où cette substitution était strictement nécessaire, je l’ai maintenu comme signe de germanisme et pour donner la même orthographe à des radicaux identiques, différemment placés dans la composition des noms propres, par exemple dans le nom de femme Rikhilde et dans le nom d’homme Hilderik.

Thierry pointe ensuite les nombreuses incohérences des sources passées, et montre combien la restitution tudesque est moins arbitraire que certaines tentatives qui visent à écrire les noms anciens « à la française ». Et de revenir sur un effet majeure de sa réforme:

Littérairement parlant, l’option est indifférente; historiquement parlant, elle ne l’est pas. En histoire, la forme native, étrangère, barbare si l’on veut, celle qui étonne le lecteur et le transporte loin de son temps, a une valeur que n’a pas l’autre. En frappant la vue, elle prévient l’esprit; elle nous met en garde contre le penchant que nous avons à nous figurer tout d’après nous-mêmes, nos habitudes et nos mœurs. Le nom francisé de Grégoire de Tours en dit moins sur ce personnage que ses noms romains Georgius Florentius Gregorius; le nom de Clovis, analogue à celui d’Amadis, forme un véritable contre-sens avec les images rudes et sanglantes de la barbarie germaine.

Thierry persiste et signe

Thierry continuera, le reste de sa carrière, à utiliser cette orthographe rénovée, qui ne lui survivra guère. Dans la dernière édition revue de son vivant des Récits des temps mérovingiens, il revient sur ce point :

Quelque jugement qu’on porte en général sur l’adoption de l’orthographe germanique pour les noms des personnages franks de notre histoire, on sentira que cette restitution était ici une convenance inhérente au sujet. Elle contribue à la vérité de couleur dans ces récits, où j’ai mis en scène les diverses populations de la Gaule conquise ; elle forme un contraste qui sépare, en quelque sorte, les hommes de races différentes. Si le lecteur s’étonne de trouver changés des noms qu’il croyait bien connaître, de rencontrer des syllabes dures et des lettres insolites, cette surprise même sera utile en rendant plus marquées les distinctions que j’ai voulu établir. 

Augustin Thierry, Récits des Temps Mérovingiens, Furne, 1856.